Texte par Stephanie Mercier Voyer

Images par Virginie Gosselin

Au cœur du quartier Ahuntsic de Montréal, une oasis de verdure surgit du béton telle une jungle comestible. Il s’agit de La Ferme de Rue, le plus récent projet du très polyvalent Réal Migneault. Des bacs roulants, des sacs en géotextile, des plates-bandes surélevées et des plantes imposantes parsèment la façade de la maison de l’agriculteur urbain, ainsi que le trottoir et le stationnement attenant. C’est armé d’un sourire contagieux et d’une détermination sans pareil que Réal Migneault opère cette ferme de 500 pieds carrés depuis 2018, au plus grand bonheur des résidents du quartier qui s’arrêtent plusieurs fois par jour pour discuter de jardinage, acheter des produits frais et prendre quelques photos afin de répandre la bonne nouvelle sur les réseaux sociaux.

«Si tu ne fais pas ces moves-là quand t’es encore capable de les faire, tu vas passer le reste de ta vie à te dire que t’aurais dû essayer.»

Le parcours de Réal se distingue de par son caractère atypique. Pour la grande majorité de sa carrière, il évolue dans le domaine du développement durable, tantôt à titre de consultant avec RPM, la firme d’experts-conseil qu’il fonde en 2004, puis ensuite en tant qu’associé responsable de projets en développement durable au sein d’une firme d’architecture établie. « Des toits verts, j’en ai mis partout,» dit-il en riant. Bien qu’il soit passionné de son travail et de l’engagement de l'entreprise envers un monde plus vert, après plusieurs années dans le domaine, quelque chose change en lui. « J’avais l’im- pression qu’on faisait du développement durable juste pour les riches », dit-il.


Réal décide de mettre sa carrière sur la glace pendant quelques mois pour prendre la route au volant de sa moto avec seulement sa tente, sa caméra et l’idée ambitieuse de réaliser un documentaire sur le développement durable en Amérique.


Ce périple amène Réal aux quatre coins des États-Unis, du méga télescope Hale de l'observatoire Palomar en Californie jusqu’à une entrevue inespérée avec le légendaire philosophe Noam Chomsky à Harvard. « J’ai rencontré certains des plus grands intellectuels de la planète. » À son retour, Réal continue d’œuvrer dans le domaine du développement durable, mais le nombre croissant de projets imposants finit par l’épuiser. Il est au bout du rouleau. « La seule place où je me sentais en paix et que j’avais moins d’inquiétudes, c’était dans mon jardin ». La même pulsion qui l'avait amenée sur la route quelques années auparavant revient au galop. C’est à ce moment précis qu’il décide de tout lâcher. « Je me suis dit, si tu le fais pas là, ça se passera jamais, » explique- t-il. En 2017, il retourne sur les bancs d’école dans le domaine de l’agriculture et décide d’agrandir le périmètre du jardin qu’il avait construit sur son terrain depuis déjà plus d’une décennie. Rapidement, ses aubergines, concombres, tomates, poivrons, fines herbes, fleurs comestibles et piments de toutes sortes envahissent la rue et le stationnement avoisinant. Les voisins, curieux de voir le changement vert qui s’opère dans le quartier, commencent à visiter Réal plus régulièrement pour poser des questions et consulter les petites pancartes identifiant chaque plante. Le maraicher urbain perçoit l’engouement local comme un bon signe et constitue l’OBNL de La Ferme de Rue pour s’y consacrer à temps plein.

***

*Adapté pour le web, tu peux lire l'article complet dans le deuxième numéro du Magazine Growers & Co.
×