Texte par Marie-Hélène Dubé

Sur le plan de l’alimentation, se tourner vers les plantes pour repenser notre rapport à la consommation est une démarche bien connue avec l’agriculture à petite échelle qui nous reconnecte à la saisonnalité de nos aliments et à leur contexte de production. Mais, si les végétaux pouvaient aussi nous faire réfléchir à notre consommation... de vêtements? Un duo d’horticultrices de Québec s’est donné la mission de cultiver des plantes pour leurs propriétés colorantes et de raviver un savoir ancien en teignant des laines locales. Elles souhaitent ainsi poursuivre une réflexion sur le lien entre l’agriculture et le textile.

«Je trouve qu’il y a quelque chose de super poétique dans la démarche. De rattraper quelque chose avant que ça ne disparaisse complètement.»

Comme pour la plupart des mouvements artisanaux, la teinture naturelle ne date pas d’hier. Historiquement, les plantes étaient la principale source de teinture pour l’industrie textile. Certains territoires étaient réputés pour leurs couleurs (la garance d’Iran par exemple), jusqu’à en devenir parfois des marqueurs d’identité (on peut penser aux tartans écossais dont les couleurs provenaient des plantes environnantes d’un clan). Il y a à peine quelques générations, les plantes tinctoriales étaient bien maîtrisées et la filière textile était locale. Aujourd’hui, au Québec, les fibres locales sont peu nombreuses et les savoir-faire entourant la fabrication de nos vêtements sont sur le point de nous échapper.


C’est cette expertise que les filles de Couleurs locales tentent de recréer. Pour y arriver, elles expérimentent avec toutes sortes de plantes indigènes réputées colorantes. Sinon, elles cultivent des plantes tinctoriales importées qui peuvent s’accommoder à notre climat (notamment le célèbre indigo japonais). Marie-Andrée et Marie-Hélène mettent à profit leurs compétences d’horticultrices en cultivant elles-mêmes une partie de leur matière première, et pratiquent la récolte sauvage pour l’autre partie, celle provenant de plantes abondantes au Québec (la verge d’or, le sumac vinaigrier, etc.), voire envahissantes (comme le phragmite !).


La démarche artisanale n’exclut évidemment pas la rigueur et une démarche solide. À cet égard, tous les détails de leurs expériences sont scrupuleusement notés, puis les résultats sont échantillonnés dans un nuancier. Divers paramètres sont testés, mais elles accordent une importance toute particulière à la solidité, c’est-à-dire la tenue de la teinture au lavage et à l’exposition aux rayons du soleil. Marie-Hélène rapporte d’ailleurs qu’il y a beaucoup de doutes chez les clients : «Ça demande de l’éducation. Il y a malheureusement beaucoup de mauvaises pratiques en teinture naturelle». Ce ne sont pas toutes les teintures végétales qui offrent une même qualité et une même tenue dans le temps. Ainsi, les plantes auxquelles on a tendance à penser spontanément lorsqu’on parle de couleurs (celles qui tachent : betterave, curcuma, etc. – ou celles avec lesquelles on peut teindre des œufs de Pâques : chou rouge, pelures d’oignon, etc.) n’offrent pas de teinture « solide », résistante au temps et à un usage prolongé. Ce sont donc des paramètres que testent systématiquement Marie-Andrée et Marie-Hélène quand elles explorent de nouvelles teintures, pour s’assurer que les laines qu’elles offrent ne décolorent pas après un ou deux lavages.


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*Adapté pour le web, tu peux lire l'article complet dans le deuxième numéro du Magazine Growers & Co.
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