Texte par Suleyka Montpetit
Photo par Rebecca Caridad
Certaines chansons semblent nous choisir. Elles arrivent sans s’annoncer, lorsqu’on en a le plus besoin, et nous accompagnent à travers le temps. Même après plusieurs années, elles savent nous ramener à la personne que nous étions lorsque leur mélodie semblait être la trame de notre vie. Le désir d’y retourner peut parfois même être vécu comme un besoin physique.
***
Le caractère atmosphérique de cette chanson m’a accompagné tandis que je me rapprochais, petit à petit, de la nouvelle vie qui se dessinait devant moi. Je l’écoutais chaque fois que je prenais la route vers mon nouveau coin de paradis, et de nouveau en reprenant la route vers la « jungle de béton ». Elle me faisait sentir comme si un ami me rappelait que j’avais pris la bonne décision. Par une étrange coïncidence, ce changement de vie m’a aussi permis de découvrir que Gregory Alan Isakov n’était pas seulement un parolier doté d’une âme sensible, mais aussi un maraîcher biologique dont le réseau était connecté au mien. Lorsque j’ai enfin réuni le courage d’entrer en contact avec lui, nous avons longuement discuté du contraste entre sa vie de musicien en tournée et la quiétude de sa ferme du Colorado, aux États-Unis.
Bien que Gregory soit plus connu pour sa musique, il cultive la terre depuis de nombreuses années. Avant de faire partie des incontournables de la scène indie-folk, il étudiait en effet l’horticulture à l’Université Naropa, fondée par le moine tibétain Chögyam Trungpa. C’est là, raconte-t-il, qu’il s’est initié à l’agriculture. « Je me suis souvent demandé ce qui amène les gens à choisir l’agriculture ; ce qui fait qu’on aime ce qu’on aime. Pour moi, c’est cet amour indescriptible que j’ai pour le sol, vraiment. Je voulais en savoir plus sur le bouddhisme, bien sûr, mais lorsque je suis parti [de l’université], j’étais surtout captivé par la science des sols. Je mettais des bacs de vers de terre partout, je fabriquais du compost et je testais différents mélanges de sols et de semences. Ma copine de l’époque avait même fini par m’interdire d’installer des vermicompost dans toutes les pièces de notre maison ! »
L’an dernier, ce besoin que je réprimais me ramenait invariablement vers San Luis, un morceau envoûtant de l’auteur-compositeur-interprète indie-folk Gregory Alan Isakov. À la même période, j’avançais à grands pas vers l’inconnu. Je quittais la ville pour m’établir toute seule à la campagne, ce qui amenait son lot de premières fois : ma première voiture, ma première hypothèque, ma première fosse septique… Et pourtant, rien de comparable à l’urgence d’apprivoiser une terre argileuse dans l’espoir d’y voir émerger un véritable jardin maraîcher. Le caractère atmosphérique de cette chanson m’a accompagné tandis que je me rapprochais, petit à petit, de la nouvelle vie qui se dessinait devant moi. Je l’écoutais chaque fois que je prenais la route vers mon nouveau coin de paradis, et de nouveau en reprenant la route vers la « jungle de béton ». Elle me faisait sentir comme si un ami me rappelait que j’avais pris la bonne décision. Par une étrange coïncidence, ce changement de vie m’a aussi permis de découvrir que Gregory Alan Isakov n’était pas seulement un parolier doté d’une âme sensible, mais aussi un maraîcher biologique dont le réseau était connecté au mien. Lorsque j’ai enfin réuni le courage d’entrer en contact avec lui, nous avons longuement discuté du contraste entre sa vie de musicien en tournée et la quiétude de sa ferme du Colorado, aux États-Unis. Gregory a travaillé dans le domaine de l’agriculture pendant toutes ses études, en considérant la musique davantage comme un passe-temps. Il était loin de se douter qu’il pourrait un jour en vivre. Mais, explique-t-il, après plusieurs années à travailler sur les fermes des autres, il a soudainement eu envie de tenter sa chance, de sauter dans son camion et de partir faire une petite tournée dans le Nord-Ouest. Il a pris la route.
« J’aime tellement de choses. Peut-être que c’est une question de culture, mais il est tout à fait possible d’avoir plus d’un travail, ou plus d’une passion, et de réussir à bien faire les choses. Ou plus encore, pourquoi pas. Nous sommes capables de tellement plus. »
Il a pris la route. Il a donc joué dans des cafés, fabriquant ses pochettes de disques à la machine à coudre entre deux spectacles. « Je me disais « Bon, allez, voici le plan : je vais vendre 10 CD et rouler jusqu’au prochain café. » Je voulais juste voir du pays et camper gratuitement… alors, c’est essentiellement ce qui m’a poussé à partir en tournée. Mais c’était excitant. Puis, le rêve s’est transformé et je me suis mis à me dire : « je veux gagner ma vie de cette façon. C’est tellement excitant ».
Mais la terre lui manquait. Les semis aussi. Il a donc décidé de faire les deux.
*Adapté pour en ligne, vous pouvez lire l'article au complet dans le premier numéro du Magazine Growers & Co.