Texte et photos par C️atherine Bernier

Quand je suis arrivée en Nouvelle-Écosse, il y a cinq ans, en plein mois de janvier, je comptais sur les recommandations de mes amis et amies néo-écossais pour trouver mes nouveaux repères et connaître les meilleures adresses. Très tôt, j’ai entendu parler de Sarah et de Jamie de Off Beet Farm et de leur présence au Alderney Landing Farmers’ Market à Dartmouth. Ils cultivent plusieurs légumes durant la saison estivale, du radicchio à l’aubergine, pour ne nommer qu’eux, mais ont aussi développé une gamme d’aliments traditionnellement fermentés en anaérobie, appelée « Sour Beast », leur permettant de garder contact avec leur communauté tout au long de l’année. 


« Pour moi, l’agriculture est une pure rébellion à bien des égards. C’est être rebelle tout en survivant dans ce système. J’en fais partie, mais je n’y cède pas. »


Leurs choucroutes, sauces piquantes et curtidos ont mis un baume sur mes envies de légumes frais, et je me souviens encore de leur amabilité. Le duo avait pris le temps de m’expliquer les principes fondamentaux de la fermentation qui, à l’époque, m’étaient encore inconnus. Fascinée, je suis repartie avec mon petit pot de bactéries vivantes sous le bras. J’étais hooked ! La semaine suivante, un jour de houle d’hiver comme on les aime, je croise Jamie en surf. Avec sa grosse barbe rousse qui dépassait largement de sa combinaison en néoprène, il était immanquable.  


La communauté de surf néo-écossaise est relativement petite. Un peu à l’image d’une famille, on apprend à coexister pour le meilleur et parfois pour le pire, mais surtout, on tend à soutenir les initiatives des uns et des autres, comme si le fait de partager l’océan créait instantanément des liens entre nous. Plusieurs adeptes d’Off Beet Farm sont des surfeurs et des surfeuses de la communauté qui, au fil des saisons, se nourrissent des fruits de la petite ferme du bord de mer. 


Je suis passée devant la ferme un bon nombre de fois, sans jamais m’arrêter. Mais à force d’en entendre parler, j’étais curieuse d’en connaître davantage. J’étais donc bien heureuse lorsque nos chemins se sont croisés ! J’allais enfin pouvoir connaître leur histoire, de vive voix. Il y a aujourd’hui plus d’une décennie, Jamie et Sarah déménageaient à Cow Bay - une banlieue en périphérie d’Halifax située au bord de l’océan - avec l’idée de lancer une ferme à proximité du marché public, mais aussi à côté des vagues. Ils avaient une mission commune : cultiver des aliments de qualité tout en rajeunissant de manière symbiotique le sol, l’air, l’eau et les personnes qu’ils rencontraient sur leur passage. Ils ont alors acheté une maison avec une cour qu’ils ont transformée en jardin expérimental où arbres fruitiers, fleurs et plantes poussent en abondance. C’est sur un autre terrain locatif d’un tiers d’hectare qu’ils font pousser la majeure partie de leurs légumes nourriciers. Le jardin devient alors un lieu pour connecter avec toutes les générations, surfeurs et non-surfeurs confondus.   


Sarah et Jamie passent presque tout leur temps au sein de la petite communauté de Cow Bay. Nul besoin de s’évader, c’est ici qu’ils veulent s’investir et s’implanter, toute l’année. Ils cultivent pendant la période estivale et se régénèrent pendant l’hiver. Au même titre que leur choucroute, ils sont loin d’être en dormance, ils diffusent leurs savoirs et entretiennent de forts liens avec leur communauté. En hiver, Sarah lit des livres sur la production en serre et prend quelques contrats dans son domaine d’étude, le web design, afin d’aider d’autres entrepreneurs du coin à passer de l’idée à la concrétisation de celle-ci. Sarah a l’oeil, j’avoue avoir été charmée par l’univers visuel de Off Beet Farm. 

Jamie, quant à lui, surfe autant qu’il le peut, poursuivant ses recherches sur la régénération des sols et la conservation des semences. Il élabore également des remèdes naturels, notamment des teintures et des baumes à base de plantes qu’il teste sur lui-même avant de les offrir à d’autres surfeurs courbaturés. Même si le surf en hiver paraît contre-intuitif, pour Jamie, c’est le combo idéal : « Le surf et l’agriculture fonctionnent en symbiose. Ce sont les deux choses les plus difficiles que j’ai faites dans ma vie ! Il n’y a rien de comparable. Le surf est tellement imprévisible et l’agriculture aussi. Je peux surfer au même endroit tous les jours et ce sera toujours différent en fonction des marées, du vent, des gens et de la planche que je choisis. Il y a beaucoup de variables ! L’agriculture, c’est pareil, c’est différent chaque année, en fonction des ouragans, des insectes et de la chaleur, entre autres. »

 

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*Découvre la suite de l'histoire dans le troisième numéro du Magazine Growers & Co.
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