Text par Mélanie Gagné Images par Virginie Gosselin

 

De mai à octobre, entre Saint-Édouard et Saint-Jean-sur- Richelieu, le paysage est superbe : on y voit les Montérégiennes au loin, des arbres dans toute leur splendeur et de belles vaches qui bougent librement dans les champs verdoyants. Deux fois par jour, Marie-Pier Gosselin guide son troupeau pour faire la traite dans une étable lumineuse et au design audacieux. Pour l’agricultrice, il n’existe pas de lieu auquel elle soit plus attachée : « Je me sens chez moi ici. Je suis fière de ce lopin de terre ! » Marie-Pier a ajouté sa touche personnelle au projet de ses parents, Daniel et Suzanne, fondateurs de la fromagerie Au Gré des Champs, en mettant l’accent sur un meilleur soin des animaux et de la nature.

La jeune agricultrice est actionnaire de l’entreprise familiale depuis 2017, tout comme sa sœur Virginie, et ont toutes les deux grandi en regardant leurs parents développer l’entreprise : « Notre père a repris la ferme de son père en 1989. C’était l’époque de l’industrialisation et du développement de gros équipements. Ça bougeait pas mal. Mes parents étaient à contre-courant, affirme Marie-Pier. En 1995, ils ont fait des démarches pour obtenir une certification biologique - ils étaient des pionniers dans le domaine. Cependant, leur lait était mélangé à du lait non bio dans les camions, ce qui ne récompensait pas leurs efforts. » Daniel et Suzanne ont donc réfléchi à une solution pour valoriser leur lait biologique et le rentabiliser. Ils ont alors suivi des formations en fromagerie en France et au Québec, puis, en 2000, ils ont construit leur propre fromagerie.

Au Gré des Champs propose des fromages fins au lait cru, ce qui est plutôt rare au Québec. Les vaches pâturent un mélange de plantes judicieusement sélectionnées afin de donner au lait un goût qui reflète les paysages montérégiens. L’idée est de donner aux fromages des saveurs typiques du terroir local, d’où le nom de la fromagerie. « Comme nous avons environ, 40 vaches en lactation, on contrôle bien notre matière première, et nous n’utilisons que le lait de la traite du jour pour la confection des fromages. Notre lait est toujours frais et on le transforme le moins possible - il n’est pas pasteurisé. », explique Marie-Pier. Suzanne est la créatrice en chef des fromages. Pourtant elle n’aime pas vraiment que sa fille la décrive comme une « maître fromagère »  car elle croit qu’il faut une vie entière pour bien connaître la matière. L’humble fromagère a néanmoins remporté un Laurier de la gastronomie québécoise en 2019, et ses fromages ont aussi gagné des prix Caseus.

Le soutien des parents de Marie-Pier a été un point déterminant dans sa décision de faire de l’agriculture avec eux : « Je voulais que nos vaches puissent exprimer leur comportement naturel. Ce sont des animaux de troupeau. Elles ont besoin d’espace, d’air pur, d’eau fraîche et d’être ensemble pour interagir au maximum. J’avais en tête un projet de nouveau bâtiment de ferme permettant d’offrir plus de confort à nos animaux en leur donnant librement accès au pâturage. » Marie-Pier et ses parents ont travaillé avec la SHED architecture pour imaginer la nouvelle étable. Tous ont réfléchi à un bâtiment durable, convivial, confortable pour les humains comme pour les animaux, et qui s’intègre parfaitement au paysage.

 

« Nous prêchons une agriculture durable à échelle humaine, confie Marie-Pier. Nous aimons prendre notre temps et nous n’aspirons pas à la croissance. Nous préférons nous améliorer de l’intérieur. Nous faisons de l’agriculture en toute humilité en travaillant avec nos mains, sans machines robotisées, au rythme des saisons. »

Il en résulte une bâtisse incomparable (qui a notamment gagné un prix d’excellence architecturale) : une immense étable à l’ossature en bois naturel, avec des façades transparentes qui permettent d’accueillir la lumière naturelle. À l’intérieur, on trouve de grandes poutres de bois massif, des parements de pruche et beaucoup d’espace pour les belles brunes. L’étable est aussi très bien ventilée. Le jour, les travailleurs et les vaches profitent des bienfaits de la lumière, et le soir, si les vaches lèvent la tête, elles peuvent voir le ciel étoilé. Ce projet, la famille Gosselin l’a pensé à long terme, insiste Marie-Pier : « On veut bien faire les choses, on souhaite transmettre une entreprise viable et un patrimoine bâti pour les générations futures. »

 

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*Ici adapté pour le web. Tu peux lire l'article complet dans la version française du quatrième numéro du Magazine Growers & Co.
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